La mise au point s'impose (Jess Tadamichi)

C’était devenu une habitude. Tout les jours, c’était le même chose. Rien ne devait déroger à la règle qu’il s’était fixé, sinon, adieu tranquillité d’esprit. Depuis qu’on lui avait assigné cette chambre, il n’y coupait pas. Chaque matin, il se levait TOUJOURS avant son colocataire, et se couchait chaque soir TOUJOURS après lui. Vous me direz « mais pourquoi faire ? » et bien…Il ne souhaitait pour rien au monde le voir. C’est aussi simple que ça. Jamais, au grand JAMAIS il ne lui adressait un regard, c’est à peine s’il lui disait bonjour. Joo Su ne se comportait pas comme cela d’habitude, mais c’était pour lui la meilleure façon de faire pour ne pas se rendre malade psychologiquement.

Le policier n’était pas du genre à culpabiliser, mais la rencontre avec son colocataire avait tout bouleversé. Le passé l’avait rattrapé et rien ne pouvait changer ce qu’il s’était produit quelques années plus tôt ; ce qu’il avait perdu cette fameuse nuit l’année de ses 15 ans. Il n’avait plus été le même depuis cette époque. Avec les années, il avait réussi à enfermer sa blessure au fond de lui, mais Jess l’avait rouverte en grand. Le pauvre étudiant n’y était pour rien sauf peut-être d’être ce qu’il est.

Le jour commençait à se lever, ce qui signifiait qu’il lui restait une heure avant que son colocataire ne se lève. C’était largement suffisant pour prendre sa douche et déguerpir avant de le voir émerger du sommeil. Il sortit une jambe, puis l’autre et chercha son pantalon jeté à terre la veille dans l’obscurité. Mais ses doigts ne frôlèrent pas une fois le tissus.


Il prit son portable et le mit en mode lampe. Telle ne fut pas sa surprise de le trouver plié sur la rambarde en bois de son lit. Il jeta un coup d’œil sur la masse sombre qui se trouvait à sa droite.

* Non mais, il se permet quoi ? *

Joo Su secoua la tête.

* Oh, mon vieux, sois pas de mauvaise foi ! *

Il remercia mentalement le jeune homme sans vraiment comprendre pourquoi il avait agit de la sorte. Il était pourtant des plus antiphatique avec lui… Pourquoi avait-il fait ça pour lui ? Bah, ce n’était pas le moment d’y penser. Le fait de simplement savoir qu’il se trouvait à côté de lui le mettait mal à l’aise. Il se dépêcha de prendre des habits et son sac de cours (c’était plus prudent pour lui de ne pas retourner dans la chambre après sa douche) mais s’accrocha à la poignet de le porte et se mordit la langue pour ne pas geindre de douleur. Il se dirigea ensuite droit à la salle de bain commune. Il laissa l’eau couler sur son corps, essayant de chasser les ondes négatives que son métabolisme accumulait à trop rester dans cette chambre.


Il arrêta le robinet d’eau et s’essuya. Quand il sortit, il enfila son boxer puis son jean et chercha son tee-shirt des yeux.


Sa serviette autour du cou, les cheveux encore mouillés, il traina les pieds jusqu’à sa chambre. Il regarda tout d’abord sa montre : il restait encore une demi heure avant que Jess ne se lève. Il ouvrit la porte et resta planté devant l’étudiant qui lui faisait face. Il tenait le fameux tee-shirt qu’il devrait porter à ce moment même. Il avait du tomber par terre quand il s’était accroché à la poignet. Joo Su avala difficilement sa salive et détourna le regard. Il enleva sa serviette et le jeta sur son lit, tant pis si ça mouillait ses draps. Il tendit ensuite la main vers le tee-shirt, faisant signe à Jess de le lui donner. Mais il ne la lui donna pas. Joo Su commença à se sentir de plus en plus mal à l’aise.


Première phrase qu’il prononçait depuis des semaines en sa présence. C’est pas qu’il commençait à faire froid torse nu mais il souhaitait disparaitre d’ici le plus vite possible. La tension devenait insoutenable.

(T'as vu Kimi, on m'a prévenu de ne pas trop écrire, je me suis restreint le plus possible ^^)

Il ne pouvait plus s‘enfuir. Il l’avait sentit. Mais pour Joo Su il était trop tôt, beaucoup trop tôt pour arriver à se contenir. Le simple fait de voir le corps de Jess le perturbait. Savoir que cet adolescent possédait des traits identiques à celui qu’il tentait d’oublier lui faisait perdre ses moyens. Et il détestait cette sensation, plus que tout, il ne voulait pas se sentir faible face à quelqu’un. Malheureusement, Jess ne semblait pas avoir pitié de lui. Il pourrait même dire qu’il n’y allait pas de main morte avec lui. Mais il pouvait le comprendre, il n’avait jamais fait mine de l’apprécier. C’était d’ailleurs ce qu’il voulait faire : être désagréable avec lui jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il ne voulait surtout pas croiser son regard.


Il n’avait jamais pensé à utiliser le ton mielleux avec lui, parce qu’il ne le voulait surtout pas. S’attendrir et attendrir une personne que l’on ne peut même pas dévisager ?! Impossible pour Joo. Le but même d’envouter les gens par sa voix devait passer tout d’abord par le regard. L’un sans l’autre ne valait rien. La phrase de son colocataire le fit doucement sourire. S’il avait comprit tout ça, alors pourquoi l’avoir attendu devant la porte ? Il aurait put tout simplement laisser le tee-shirt par terre et lui tourner le dos.

* Non, ça, c’est ce que j’aurais voulu qu’il fasse… *

Pour ne pas voir son visage, il donnerait n’importe quoi. Quand il reçut son haut en pleine figure, il ne put s’empêcher de grimacer.


* Comprends-tu ? J’aurais souhaité pour rien au monde rester plus longtemps avec toi dans cet endroit si clos. Je ne peux pas vivre en sachant que tu te trouves si près de moi. Tu es la clé qui me ramène à mon passé…je te détesterais presque si je le pouvais… *


* Toi, en revanche, détestes-moi si tu le souhaites, peux m’importe, tant que tu ne t’approches pas de moi. *

Il s’apprêta à partir en direction de sa première heure de cours, mais un bruit, si faible mais pourtant distinct, le fit se retourner. Entendre des pleurs étaient la dernières choses qu’il souhaitait. Il se doutait bien qu’il n’y était pour rien, puisque le lycéen lui avait fait clairement comprendre qu’il s’en foutait. Non, ses pleurs semblaient trop sentimentales pour lui être destinés.


Il empoigna son bras et son visage lui apparut soudainement. On voyait très bien qu’il souffrait. Les traits de son visage étaient tirés, signe qu’il se retenait d’exploser totalement. Cette expression le fit remonter le temps.

« - Joo Su Han ? Mais c’est quoi ce nom pourrie ?»
« - Ouais, regarde-le, à sourire bêtement, non mais sérieux, il se prend pour qui ?»

Le jeune garçon fixa ses deux camarades de classes, mais ne dit rien. Il n’avait rien à dire de toute façon, ils ne méritaient même pas qu’il leur réponde.

« - Hey ! Tu sais qu’on parle de toi là ? »
« - T’es sourd, ou tu comprends pas ce qu’on te dit ? »

L’un d’eux le bouscula et il tomba lourdement à terre.

« - Pff, regarde le, on dirait un miséreux. Viens, on le laisse, il n’est même pas intéressant. »

Joo Su se releva et s’épousseta tout en essayant de garder sa colère en lui.

« - Tu vas bien ?» Demanda une douce voix.
« - C’est bon, j’ai pas besoin de ta pitié…»
« - Hum…qui te parle de pitié ?»

Joo Su releva le visage vers le collégien qui lui parlait. Il avait un magnifique sourire aux lèvres et un visage si harmonieux qu’on ne pouvait s’empêcher de le trouver mignon.

« - Si c’est pas de la pitié, alors, c’est quoi ?»

Et il le laissa en plan. Il se foutait de faire des connaissances. Lui, il voulait juste apprendre le plus possible pour être aussi important que son père et vite le rattraper. »

Ce jour là, c’était le jour de la rentrée en dernière année de collège. Il avait prit soin de ne pas s’attirer les foudres des redoublants, mais il n’avait pas pu les éviter. Ils n’avaient jamais pu l’encadrer, alors pourquoi est-ce que cela devait changer d’une année sur l’autre ?

« - Joo Su Han, au tableau !»

Il se leva sous le regard moqueur des redoublants. Le professeur l’interrogea un moment. Comme il connaissait la leçon par cœur, il put retourner très vite à sa place. Quand il revint vers sa chaise, il ne vit pas un pied lui barrer le passage et il tomba face contre terre. Toute la classe explosa de rire. Joo Su voulut se relever mais sa cheville lui fit mal. Soudain, une main apparut dans son champ de vision. Il la prit et tomba nez à nez avec le jeune qui lui avait demandé si tout allait bien la matin même. Il avait l’air grave, comme s’il ressentait la douleur morale de Joo Su. Ce dernier se rassit.

« - Pourquoi ?» Murmura-t-il devant lui.

Le collégien se retourna, un grand sourire aux lèvres.

« - Parce que moi, je l’aime bien ton nom Joo Su. »

Joo Su tomba à genoux. Il ne voulait pas que tout ses souvenirs remontent à la surface. Il ne voulait pas revoir ce visage qui lui était si cher ! Il s’imposa au calme, et prit plusieurs grandes bouffées d’air. Au bout d’un moment, il se releva et s’essuya les yeux.


C’est tout ce qu’il trouva à dire. Le policier se pencha pour récupérer ses affaires et commença à partit quand une main l’arrêta.


Il se crispa instantanément quand la main de Jess s’accrocha à lui.

- Arrête…par pitié…tu…lui ressembles tant…

[ A toi Jess, si tu veux faire parler Joo, c‘est maintenant ou jamais ^^]

Joo Su en aurait presque rit, tellement la situation lui échappait. Mais il n’y avait pas là matière à rire. Le regard glacial de Jess lui faisait presque froid dans le dos. Et ses mots étaient aussi durs que les siens. Au moins, le policier pouvait porter de l’estime à ce jeune lycéen : il ne se laissait pas faire. Le seul problème, c’est qu’il ne comprenait pas pourquoi Joo Su se comportait de la sorte avec lui et c’est pour cela qu’il s’emportait. L’infiltré sentait le regard haineux de son colocataire sur lui, sans pourtant le regarder en retour. Le seul fait d’être dans le même périmètre que lui le rendait fou.

Pourquoi bon Dieu, pourquoi faillait-il qu’il tombe sur son sosie ? Tout lui ressemblait, sauf la voix. Peut-être parce qu’il n’avait jamais entendu Tsukasa crier et s’énerver. En fait, il avait toujours été son contraire : gentil, doux, sociable, souriant, et inquiet pour lui. Au début, il l’avait évité comme la peste. Puis, il s’était habitué à sa présence, presque invisible, tellement il était calme et silencieux à ses côtés. Au fur et à mesure des semaines, il ne pouvait s’empêcher de tourner la tête dans tout les sens, le cherchant du regard et voir son sourire attendrissant. Cependant, un jour :

« Tiens, tu es de nouveau seul ? Tu n’as plus ton toutou qui te court après ? »
« … »
« Et bien, tu n’es pas très bavard…c’est peut-être pour ça qu’il en a eu marre, il s’est dit que ça servait à rien d’être avec un mec comme toi. »
« Si tu le dis. »

Joo Su avait fait comme si rien ne le touchait, mais en vérité, il était sur le qui vive. Où était-il passé ? Pourquoi n’était-il pas à ses côtés ? S’était-il lassé de lui ? Il ferma les poings et s’imposa au calme. Le redoublant sourit machiavéliquement.

« Bah, aujourd’hui, tu n’auras pas de bave de chien sur ton tee-shirt au moins.»

Le poing partit. L’adolescent vacilla sous le coup et gémit de douleur. Joo Su venait de lui casser une dent.

« P’tain, t’es barge ! »

Joo Su fixa l’adolescent avec fureur.

« Je t’interdis d’insulter Tsukasa ! »

Une professeur arriva quelques secondes plus tard, avertit par un élève qui passait par là. Derrière elle, Tsukasa.

« Joo Su ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Lui demanda-t-il en s’agrippant à son tee-shirt.
« Où étais-tu ? Tsu, tu faisais quoi ? Je t’ai cherché partout… »

Le regard de son ami s’ouvrit en grand, et un timide sourire apparut. Joo Su se fichait de la sentence qu’il allait recevoir, tant que Tsukasa le regardait de cette manière, il serait capable de tout endurer.

Joo Su ferma les yeux. Il était de plus en plus difficile pour lui de se tenir là, si près de Jess. Il était prêt à crier de frustration quand il sentit la main de son colocataire le retenir. Il devait partir, le laisser reposer ses nerfs, le temps qu’il fasse le point, bien comprendre que Jess et Tsukasa était deux personnes distinctes. Mais il savait que cela serait peine perdue. Son visage si doux se reflétait sur celui qui l’empoignait pour le faire se tourner vers lui.


Mais Jess ne le laissa pas faire. La main sur la poignée de la porte, il se dit qu’il était trop tard pour rebrousser chemin. Autant affronter tout ça, peut-être que leur relation irait mieux après s’être expliqué. Il se tourna lentement, retenant sa respiration. Il ouvrit les paupières et fixa Jess dans les yeux. Il faillit s’écrouler une seconde fois.

« C’est ma faute !! Je l’ai tué ! C’est…c’est moi qui…par…pardon !! »

Les pleurs de Joo Su ne faisaient ni chaud ni froid devant des parents bouleversés par la mort de leur fils.

« J’aurais dû mourir…j’aurais dû… »
« Oui, tu aurais dû. Tu nous as enlevé notre fils !»

Il réussit à tenir miraculeusement debout et avait toujours ses yeux dans ceux de Jess.


Joo Su approcha sa main du visage de Jess et lui caressa tendrement la joue.


Il voyait bien que Jess souffrait déjà assez de problèmes personnels, alors pourquoi tout lui dire ? Cela servirait à qui ? Joo Su n’avait jamais parlé de ce passé à qui que ce soit, même Soji n’était pas au courant, à moins qu’il n’ait fait des recherches. Il laissa sa main retomber le long de son corps. Son sac de cours dégringola de son épaule et s’ouvrit. Ses papiers s’éparpillèrent dans toute la chambre. Il jura en silence tout en se baissant.


Tout ce qu’il voulait, s’était que ce calvaire s’arrête. Il commença à ramasser les feuilles éparses et vit que Jess en avait déjà dans la main et qu’il lui en tendait. L’image de la main tendue le fit sourire. Bizarrement, il se sentait mieux. Mais continuer de parler serait difficile. Il ne savait pas s’il en était capable.

(désolée, moi c'est assez long ^^' en espérant que tu aies de quoi répondre)

L'idée d'avoir un colocataire, partager sa chambre avec un étudiant, avait ravis Joo Su, tout simplement parce qu'il avait souhaité faire ami/ami avec et apprendre plus de choses sur les rumeurs qui circulaient à Fushigi. Mais ce n'était pas tout. Il était là pour faire de nouvelles connaissances, autres que des collègues de boulot de mauvaise humeur et aux regards haineux, et jaloux. Non, il avait envie de voir des sourires sincères et des dialogues plus communicatifs que des salutations bâclées et de brèves poignées de main.

Joo Su se souvenait encore parfaitement de la première fois qu'il vit Jess. Il avait cherché la porte de la chambre et avait toqué doucement. Il avait entendu la voix du jeune homme et était entré. Le policier l'avait salué avec bonne humeur, prêt à tout pour qu'une amitié démarre entre eux. Mais quand Jess se tourna vers lui, un sourire radieux aux lèvres et lui avait répondu, le monde s'était écroulé pour Joo Su. Pourquoi fallait-il qu'il passe les quelques 12h de la journée (ou plutôt nuit) dans la même pièce que celle du fantôme de son meilleur ami ? N'avait-il pas assez souffert de la disparition de Tsukasa ? Non ? Avait-il fallut une autre épreuve pour qu'il reçoive le pardon ? Joo Su n'avait pu le supporter, aussi, avait-il évité de se retrouver en présence de la personne qui tentait de le punir une fois de plus. Cela faisait maintenant plus de 5 ans que Tsukasa n'était plus, et cela faisait seulement 2 ans qu'il ne cauchemardait plus. Mais voilà que le visage de Tsukasa hantait de nouveau ses nuits.

Il rêvait souvent que son meilleur ami le rejetait avec colère et lui disait qu'il lui en voulait de lui avoir volé la vie. Joo Su se réveillait alors en sueur et se retenait de laisser couler ses larmes. Même en ayant mûrit, il ne pouvait s'empêcher de se dire que tout avait été de sa faute. Dans ses rêves, Tsukasa avait encore le corps frêle d'un jeune adolescent de bientôt 16 ans, un jean taché de sang et troué de toute part, une chemise déchirée et un visage défait. Mais le pire était que Joo Su voyait très bien les blessures provoquées par les coups de couteaux répétitifs sur son corps. Il avait eu beau fermer les yeux, dans un songe, rien ne pouvait nous échapper. Il lui arrivait parfois de crier, de l'appeler, mais son rêve finissait toujours de la même façon : il essayait de courir vers lui, de le prendre dans ses bras, mais au moment où il allait pour le toucher, Tsukasa fermait les yeux et tombait à la renverse, dans un bain de sang.

Oui, il avait été incapable de faire face, de comprendre que rien n'arrivait par hasard, que tout n'était que fatalité (oui, j'ai lu XXX Holic...je trouvais la phrase tout à fait appropriée...ahem, reprenons) et que sans efforts, personne ne pourrait avancer. De plus, il mettait Jess dans une situation qu'il n'avait jamais demandé. Il fallait qu'il s'excuse, qu'il lui dise ce qu'il ressentait, ne serait-ce que pour lui dire qu'il n'était pour rien dans l'histoire, et lui demander pardon pour le comportement qu'il avait envers lui. Mais il n'avait pas imaginé que cela arriverait si...vite. Il n'avait même pas eu le temps de se faire à ses rêves qui reprenaient chaque nuit ni à sa présence. C'est pour cela qu'il n'avait pu s'empêcher de toucher Jess. Une chose qu'il n'aurait jamais fait auparavant, parce qu'il était clair que cela ne se faisait pas à quelqu'un que l'on ne connaissait pas intimement et qu'il était extrêmement impoli d'agir de la sorte. Il le comprit au moment où ses doigts touchèrent la joue de son colocataire, mais il n'avait pu arrêter le contact. Sa peau était douce, et le voir fermer les yeux n'arrangeait en rien les choses. Il s'obligea à parler pour ne pas oublier qu'il avait en face de lui non pas Tsukasa mais bel et bien son sosie. Il ne se demanda pas pourquoi Jess ne le repoussait pas. Il devinait parfaitement qu'il était aussi perdu que lui. Il fallait bien comprendre que cela n'avait rien d'un numéro de charme. Pourtant, Joo Su le touchait comme s'il était la prunelle de ses yeux, comme s'il ne voyait rien d'autre que lui. Si Jess ne lui disait rien, c'est probablement parce qu'il était troublé, ou totalement choqué. Cela, il ne saurait le dire. Il rompit le contact un peu plus tard, lorsque Jess rouvrit les yeux et qu'il s'adressa à lui d'une faible voix.

Le fait que Jess veuille comprendre pourquoi Joo Su agissait de la sorte avec lui le fit doucement sourire. Le lycéen regretterait surement toute sa vie d'avoir été curieux si le policier lui racontait tout. Mais tant pis, ils se devaient de se comprendre. Joo Su n'espérait pas de regard compatissant ni de paroles de réconfort. Au contraire, il devrait s'attendre à se faire mépriser par Jess.

Après la catastrophe du renversement de sac, Joo Su était des plus maussade. Il avait envie de tout envoyer en l'air, de crier jusqu'à en avoir une extinction de voix et aussi de pleurer, ce qui ne lui était pas arrivé depuis un bon moment déjà.


Il était trop tard pour reculer. Joo Su se leva sans trop de conviction et posa son sac sur son lit. Il s'assit ensuite par terre et releva le visage vers Jess tout en lui faisant signe de s'asseoir à ses côtés. Lorsque ce dernier fut à sa hauteur, Joo Su se mordit la lèvre. Il mourrait d'envie de lui dire de commencer à lui parler, de lui demander ce qu'il n'allait pas, mais si Jess commençait, il lui serait impossible de parler à sa suite. Aussi, il prit son courage à deux mains et se lança.


Il laissa un moment planer le silence. Il sentait Jess sur les nerfs. Il ne savait pas s'il lui faisait peur ou s'il ne croyait pas vraiment ce qu'il disait ou encore s'il attendait la suite pour comprendre ce que disait le policier.

- J'étais un solitaire, je n'avais pas d'amis au collège, jusqu'à ce que je le rencontre. Il s'appelait Tsukasa. Tout les élèves m'évitaient, et j'avoue que je n'en comprends toujours pas la raison. Certains ne m'accordaient pas un regard, d'autres me méprisaient et faisaient tout pour me rendre la vie impossible. Ne me regarde pas comme ça, je sais que je n'ai pas l'air de quelqu'un qui se laisse marcher sur les pieds, mais je ne suis pas du genre à m'emporter facilement. Je laissais dire et passais mon chemin. Seulement voilà, dès que j'avais un problème, Tsukasa était toujours là. Il ne m'aidait pas, il était deux fois plus fin que moi, mais à chaque fois que j'étais à terre ou que j'étais prêt à exploser, il me prenait la main et me souriait. J'ai appris à supporter sa présence, et puis, j'ai finis par ne plus pouvoir me passer de lui. Je ne connaissais rien à l'amitié, et encore moins aux relations que l'on avait entre amis. Pourtant, je me disais que s'il ne se lassait pas de moi, c'était que j'en valais la peine. C'est un peu grâce à lui si j'ai gagné en confiance.

«- Dis Tsu...t'en a pas marre que je squatte tout le temps chez toi ?»
«- Tu plaisante ? Mes parents sont super heureux que tu viennes !»
«- Tsukasa ! Je parle pas de tes parents, je parle de toi.»

Seul le silence lui répondit. Joo Su se tourna dans le lit pour faire face à son ami. Bien qu'il faisait noir, il voyait parfaitement sa silhouette allongée.

«- C'est quoi ce silence ? Ça veut dire que je te saoule ?» Murmura Joo Su en plaisantant.
«- Non ! Non ! C'est juste que je me disais que ta question était une peu...idiote...»
«- Comment ça, idiote ?»
«- Réfléchis deux secondes, c'est moi qui t'invites presque tout les week-ends, tu crois que j'inviterais quelqu'un que j'aime pas ?»
«- Hum...ca veut dire que tu m'aimes ?»
«- Joo !!»
«- Roooh, je plaisantais, c'est bon !! Dis donc, tu t'excites vite toi alors...»
«-....»
«- Quoi ?»
«- RIEN ! Dors Joo, Ça te rendra peut-être moins con...»

Joo Su ferma les yeux un moment. Il avait mis un moment pour mettre les mots sur les sentiments qu'il avait put ressentir pour Tsukasa.


Joo Su replia ses jambes contre sa poitrine, comme il l'avait fait tant de fois en se remémorant la mort de Tsukasa. C'était un geste de détresse, et d'enfermement sur soi-même.


Lui du moins, se considérait comme tel. Même si la police ne l'avait pas inculpée, même si les parents de Tsukasa n'avaient pas fait porter le poids de la mort de leur fils sur lui, c'était pourtant lui qui était le responsable. Il le savait. Joo Su tenta de regarder Jess mais il ne tint pas une demi-seconde. Il ferma les yeux, s'attendant à ce qu'il se lève et qu'il lui crie de sortir d'ici sur le champ.